La fin d'un glas, le commencement d'un nouveau [Event]

Deux semaines s'étaient écoulées depuis que le Dieu Crave avait rencontré la sorcière de son apprenti, sur la plage d'Irianeth. Son retour n'était guère prévu pour aussi tôt, mais il était hors-de-question de laisser Keriwena gâcher cette... surprise en rapportant à son maître ce qu'elle avait vécu sur la rive de galets.

Que l'on soit proche de lui, et d'autant plus si on ne l'est pas, se présenter devant un empereur relève de tout un protocole, et la sorcière devait normalement être assez avisée ou dévouée (deux choses si incompatibles aux yeux de la divinité...) pour le respecter au possible. De ce fait, il disposait encore de quelques temps pour faire son apparition, alors que la jeune femme serait normalement encore en train de s'apprêter pour faire son rapport.

Le dieu déchu ne choisit pas d'apparaître aux portes de la forteresse, mais carrément à l'intérieur de celle-ci, devant les portes de la salle du trône impérial. Les quatre gardes qui surveillaient cette dernière essayèrent immédiatement de se jeter sur lui, mais à peine quelques instants plus tard il n'en restait qu'une bouillie sanguinolente qui maculait le sol, dans laquelle pataugeaient quelques grumeaux rougeâtres et encore fumants.

Les grandes portes s'ouvrirent ensuite d'elles sur lui avant de se refermer, et cette entrée attira d'autant plus l'attention qu'à son arrivée, toutes les flammes qui éclairaient la vaste pièce semblèrent perdre de leur intensité. Un lourd silence précédait chacun de ses pas, qui résonnaient sur le sol dallé, et ses yeux flamboyaient qui luisaient d'autant plus dans cette obscurité d'une intelligence malveillante fixaient la grande armure assise tout au fond de la salle sur son trône noir.

- Qui ose ainsi...
- Ne reconnais-tu pas ton maître lorsque tu le vois, Feard?

Il n'avait pas hésité à couper l'empereur qui pourtant avait commencé à tonner. La voix du dieu n'était pas plus forte ni tonitruante que celle de l'hybride, mais sa nature glaciale et calme forçait à l'attention quiconque l'entendait. Quelques gardes s'avancèrent alors pour faire regretter à l'intrus ces paroles, mais ils restèrent comme figés alors que le regard d'Azcatchi était planté dans celui de Feard. Sur son trône, l'empereur commençait à se poser des questions...

Spoiler:

L'homme en armure qui était sur le trône, et qui pourtant quelques secondes plus tôt paraissait si impassible que rien ne pouvait l'ébranler se redressa avec agitation en entendant les paroles de la sombre divinité. Sous son heaume, ses lèvres s'ouvrirent afin de prononcer le nom de cette dernière, qui l'arrêta d'un geste de le main avant même que cela ne soit fait. Feard aurait pu croire qu'on puisse se jouer de lui de la sorte, mais il n'était pas sot. Outre la manière de s'adresser à lui, il y avait dans cette phrase une intonation et même une expression, un regard qui auparavant furent chers à son maître pendant leurs entraînements, et qu'à présent il n'empruntait que pour se faire reconnaître par lui.

- Je te laisse un empire fort et puissant à mon départ, et voici comment je le retrouve! Faible, et malade... à l'image du sombre pantin qui le dirige.

Si une autre personne aurait prononcé ces paroles, immédiatement elle aurait eu à essuyer le courroux de l'empereur, mais ce dernier n'oserait jamais se dresser ouvertement, et surtout de face contre son maître. Il savait ses colères froides, et surtout à quel point il était périlleux d'essayer de les affronter.

C'est alors que s'ouvrit la porte, et qu'apparut une nouvelle venue. Ses premières paroles permirent au dieu déchu de l'identifier, et la question qui suivit ne fut pas sans l'agacer, ni lui rappeler une certaine archère qu'il avait quelques jours plus tôt croisée sur les plages de Zénor.

- On commence par bonjour lorsque l'on s'adresse à quelqu'un, et l'on s'incline devant une personne qui nous est supérieure.

Il usa de sa télékinésie pour exercer un poids suffisant sur son dos afin de lui faire poser genou à terre, sans pour autant lui faire de mal. Un long soupir s'échappa de ses lèvres.

- Faut-il donc tous leur apprendre les manières...?, marmonna-t-il alors.

Il sentait déjà sur son trône l'exaspération mêlée de colère de l'empereur. Ce dernier n'était guère joyeux de son retour, ce qui était fort compréhensible, et la manière dont il traitait sa fille ne semblait guère lui plaire. Pourtant, au terme de son retrait, Azcatchi avait changé, et tous ne tarderaient alors pas à le découvrir. Le dieu se tourna vers son pion favori, qui faiblissait de plus en plus. Il tendit la main vers lui, comme pour lui lancer un sort. Si la jeune femme essayait d'intervenir, elle aurait tout le loisir d'affronter une puissante barrière invisible qui se dressait à présent entre eux. Feard s'était reculé sur son trône, non sans une certaine crainte pour sa pérennité, mais ce nouvel Azcatchi nul ne le connaissait. Le rayon d'énergie fut puissant, et non concentré, il semblait se disperser en toutes directions, frappant de toutes part sa cible. Pourtant, cette magie ne fut pas maléfique pour l'hybride, bien au contraire. Lui jetant un dernier regard sévère, le dieu déchu s'adressa à lui.

- N'essaie pas à l'avenir d'utiliser une magie hors de ta portée. Je ne te rendrai pas indéfiniment tes forces.

Le bouclier se dissipa, et sans même jeter un regard à ceux qui avaient assisté à la scène, le dieu crave fit quelques pas sur le côté. Il y avait une chose étrange dans la disposition de cette salle, à laquelle tous les serviteurs d'Irianeth s'était accoutumés: le trône de l'empereur était fortement excentré sur la gauche. Tous ne tarderaient pas à comprendre pourquoi... D'un geste de la main, la divinité activa un sortilège vieux d'une quinzaine d'années.

De la paroi de pierre du mur contre lequel s'appuyait le trône noir, sortirent quelques formes d'abord vagues qui bientôt se dessinèrent avec plus de précision: une première marche en demi-cercle, suivie de tant d'autres qui donnèrent sur une petite plateforme barrée à droite et à gauche par deux petites balustrades, au moins deux fois plus élevées que le trône de Feard. Au centre, se tenait un imposant et majestueux trône, dont les accoudoirs et le dossiers -bien que parfaitement confortables- furent en forme de pics dirigés vers le haut, qui se courbaient ensuite vers la droite à la gauche. L'édifice d'abord en granit (ce n'était là qu'une illusion générée par le sortilège) changea peu à peu de texture, devenant une matière de couleur beige clair, mais pourtant de solidité fiable.

C'était la première fois que le dieu dévoilait ce trône, qu'il avait placé là plus tôt en prévoyance de l'exécution de ses desseins. Devant le regard de Feard, qu'il devina assez curieux, il répondit à une question de bien d'autres devaient se poser.

- Il est fait d'os. Les os de mes plus notables ennemis que j'ai ainsi modelé par magie.

D'étranges striures étaient faîtes dans le socle du trône, descendant sur les marches tout en en soulignant les contours. Plus tard, elles serviraient... Azcatchi alla s'y asseoir, et tourna son regard vers le jeune femme.

- Et maintenant, faisons connaissance avec la représentante de mon ordre...

Un dieu... par le passé, il n'y en eut pas énormément qui se présentèrent au monde des mortels. Theandras, Akuretari et peut-être Fan, mais lequel autre? Danalieth? Non, il n'en était pas un, même s'il était un cran au-dessus des immortels. Non, il n'y avait eu jusqu'alors que très peu d'apparitions divines que ce soit en Irianeth ou en Enkidiev... Alors qu'est-ce qui poussait la jeune femme à penser qu'il en était un?

Son aura? Non, il l'avait réduite au maximum, la rendant presque indétectable. Depuis qu'il était là ne filtrait aucun signe annonciateur de l'étendue de cette dernière. Feard s'en serait aperçu le cas échéant, car même si son empreinte énergétique avait fortement changé, il avait déjà plusieurs années plus tôt côtoyé la puissance d'un dieu. Ce n'était pas le cas de la femme chevalier. Certes, il l'avait vue pendant son enfance, encore nourrisson, mais à cet âge nulle personne ne peut avoir conscience des seings magiques.

Son apparence? Certes, elle était peu commune et révélait une certaine présence dans les arts des arcanes... Ses yeux rougeoyants, ses habits couverts de glyphes... Tant d'indices parmi d'autres qui conduisaient à cette hypothèse, mais être un pratiquant des arts occultes ne signifiait guère en soi être une divinité. Sorcier, immortel, ou autre créature... Bien des choix s'offraient à elle quant à ses suppositions.

Alors quoi? Il l'observa un instant, la jaugeant de son regard flamboyant avec de lui répondre sur un ton des plus calmes.

- Non, je ne sais pas tout. Peu d'entités peuvent se permettre de posséder une telle connaissance, et je n'en fais pas partie. Un tel pouvoir serait à coup sûr incommensurable... mais je n'en ai guère besoin pour dominer mes ennemis.

Il marqua une pause, et appuya sa tête sur son poing, prenant un air déjà quelque peu las.

- Ce que je veux savoir me demandez-vous? Je veux m'assurer que vous êtes digne et assez compétente pour mener l'Ordre du Crave jusqu'à la gloire qui lui est destinée. Je veux connaître avec précision celle que vous êtes, et aussi... Ce que vous faisiez à Enkidiev, pourquoi vous vous y êtes attardée.

Sur ses mots, son regard déjà planté dans le sien se fit plus inquisiteur, comme si déjà il savait ce qui s'était produit là-bas. Elle devait choisir avec précaution ses paroles, mais le choix le plus important fut sans nul doute celui du mensonge... ou de la vérité.