En des temps si fous, il est tellement facile de perdre la tête ♥ [Solo]

Voilà quelques jours que le dieu déchu avait fait son retour à Irianeth, où il siégeait dans son sanctuaire céleste, coupé de l'empire, ou plutôt au-dessus de lui, le dominant de manière narquoise et provocante de sa hauteur. Il n'avait pas à se mêler à ces insectes, et ne le ferait que pour son bon plaisir, ou alors pour la réussite de son objectif. Il était auparavant assez proche de Feard, mais ce dernier le décevait de plus en plus. Son acolyte était devenu faible, sa magie se tarissait. Certes, il n'y avait pas plus dangereux qu'une bête blessée ou acculée, mais ce n'était pas une bête que désirait Azcatchi, ni d'un être blessé. Pour son empire de fidèles, il voulait un fier tueur en tant que chef, et non une créature ramollie par les années de règnes.

*A force de se faire servir, on finit pas ne plus être capable de se servir soi-même*, pensait souvent le dieu-crave.

Force était de constater que la terreur qu'avait répandue l'empire du temps où il était encore présent n'était plus qu'un souvenir dans l'esprit des habitants d'Enkidiev. Par la faute à son incompétent (ou plutôt impotent) acolyte, l'actuelle génération d'ennemis ignorait tout de la peur d'une mort qui pouvait les menacer à tout moment, comme une lame froide et aiguisée qui d'une malice malsaine leur caressait la gorge.

Il était temps que cela change, que la situation tourne à nouveau en leur faveur. Il fallait faire passer un message puissant à ces futurs esclaves, frapper fort un de leurs principaux bastions. *A force de se faire servir, on finit pas ne plus être capable de se servir soi-même...* Il devait frapper lui-même, marquer le début de son nouveau règne. Le monde devait savoir: le Fléau des Dieux était de retour...


Quelques secondes plus tard, ses pas foulaient le sable blanc des plages zénoroises. Le soleil ne s'était pas encore levé et contemplant un instant la falaise, il se retourna vers l'océan. Autrefois, les immortels Danalieth, Abnar et Fan avaient élevé un récif afin de protéger ses côtes des invasions ennemies. Afin que le royaume ne soit pas frappé de puissants raz-de-marée, ils avaient laissé une ouverture dans ce dernier, pour que l'équilibre entre marée et ressac soit conservé. Tendant sa main vers la mer, et tournant lentement sa paume vers le ciel, la divinité boucha lentement cette entrée, libérant une quantité impressionnante d'énergie dans l'atmosphère tout en faisant trembler le sol sous ses pieds.

Les habitants de Zénor avaient dû être tirés de leur sommeil par ce séisme qui n'avait rien de naturel, et son ennemi avait dû percevoir son énergie, même si cette dernière était à présent en tout point méconnaissable. Cependant, c'était là ce qu'il désirait: il ne voulait pas le tuer pendant son sommeil ou dans le dos ; il prouverait au monde sa supériorité. Savoir qu'il était présent, le voir était un chose. Être capable d'y réagir en était une autre.

L'instant suivant, il avait déjà disparu. L'intérieur de la cour du château de Zénor était désert à cette heure. Les gardes faisaient certes leur patrouille sur les murailles, mais aucun n'avait l'idée de regarder dans l'enceinte de l'édifice, veillant plutôt à surveiller la venue d'ennemis en dehors de ce dernier.

Azcatchi tendit la main vers la tour qu'il reconnaissait être celle du roi, et d'une vague d'énergie noire la fit voler en morceaux. Les blocs de pierres retombèrent une centaine de mètres plus loin, et immédiatement les gardes regardèrent bouche bée le spectacle. Le dieu ennemi qui s'y attendait apparut devant lui, une expression de colère marquant son visage.

- Qui que vous soyez, vous allez le regr...

La salve d'éclairs noirs traversa sans mal le bouclier qu'avait levé Solis par réflexe, et frappa ce dernier en pleine poitrine, l'envoyant brutalement dans le mur du bâtiment derrière lui, avant que son corps fumant ne retombe sur le sol.

- Ne prononce pas de trop belles paroles, pour un être aussi pitoyable que toi.

Nashoba se relevait avec peine, les bras tremblants. Cette attaque l'avait réellement atteint, et des gardes accoururent pour l'aider. Un mouvement de bras de la divinité déchue envoya sur eux un arc de magie noire, qui aussitôt les réduisit en poussière, détruisant par la suite le pan de muraille derrière eux. Voyant cela, le dieu jaguar prit de colère concentra toute son énergie en une sphère lumineuse qu'il envoya droit vers son adversaire. Azcatchi la bloqua à mains nues, et bien que les rafales de vent produites par cet acte furent violentes dans la cour, la sphère d'énergie n'explosa pas, s'éteignant lentement dans la paume du dieu-crave qui reporta ses iris rougeoyants sur son adversaire.

- Si fragile... si faible...

Une autre vague noire fut lancée vers le dieu affaibli, mais ce dernière se dématérialisa, laissant le château derrière lui être ébranlé par l'attaque alors que la façade qui avait été frappée par cette dernière s'effondra. A peine réapparut-il quelques mètres plus loin que la main d'Azcatchi le saisit au cou. Solis se tordait de douleur, des éclairs noirs sortant de l'étreinte du dieu Crave. Ces derniers n'étaient pas conçus pour provoquer des dégâts, mais plutôt de la souffrance. Et pour cette attaque précise, le dieu déchu y mettait de bon coeur toute son application.

A force de se débattre, le dieu félin réussit à le faire lâcher prise, mais la lame sifflante de Corvaline tirée de son fourreau annonça la suite du combat. Instinctivement, le futur décédé dressa un bouclier qu'une énième attaque noire n'eut aucune difficulté à briser. La lame maudite se planta avec précision dans la paume du dieu jaguar, faisant pourrir lentement sa main. Solis tenta de répliquer avec des éclairs blancs, mais Azcatchi les bloqua de sa main en les déviant, jusqu'à ce qu'il ne vienne poser cette dernière chargée d'énergie sur le visage de son adversaire, provoquant une déflagration qui le projeta une quinzaine de mètres plus loin. Horrifiés, les soldats et les quelques habitants du château regardaient la scène sans pouvoir y faire quoi que ce soit.

- Tu vas être détruit sans même savoir à qui tu dois ta chute... N'est-ce pas pathétique, misérable vermine?

Le dieu jaguar leva la main vers son ennemi pour le frapper d'un rayon d'énergie, mais ce dernier disparut aussitôt, et à nouveau la lame de la Corvaline siffla, détachant la main valide de Nashoba de son bras. Par la suite, le dieu-crave prit plaisir à arracher maints cris de douleur à son ennemi, se contentant de poser la lame de son épée sur diverses parties du corps du roi, faisant lentement pourrir ses chairs. Ce fut finalement quand il la posa sur son cou qu'il fut surpris de voir sa tête se détacher de son corps.

- Oups... Gourmande, reprit-il en regardant son épée.

Corvaline n'avait pas seulement attaqué le corps de Nashoba. Cette lame atteignait aussi son âme, qui à présent n'existait plus. C'en était définitivement fini du dieu-jaguar. Autour de lui, il ressentait une énorme quantité de peur, dont il se régalait.

- Voilà ce qui arrive, lorsqu'on passe tout ce temps assis sur un trône, déclara-t-il à voix haute non sans penser à Feard.

Bien évidemment, ce n'était là que la moitié de la raison qui expliquait le gouffre de puissance qui le séparait de Solis, l'autre partie étant sa mystérieuse expédition...

Il fallait à présent mettre un terme à cette attaque, et afin de finir en beauté, Azcatchi se dématérialisa, tout en créant une puissante onde de magie noire. Comme la tour quelques instants plus tôt, le château tout entier fut balayé par la puissance du dieu-crave, aussi facilement que s'il avait été de sable. Dans les décombres qui avaient été projetés au loin, certains survivraient, et ceux-là reçurent tous à la fois le message télépathique du dieu-déchu, sa voix glaciale sifflant dans leurs esprits.

*Dîtes au monde ce qui s'est passé. Racontez à vos dirigeants à quel point cela a été facile, dans le vain espoir d'être prêt quand à nouveau je frapperai...*

Un royaume frappé en son coeur, un peuple meurtri, mais surtout... une tête de dieu qui avait disparue en même temps que celui qui l'avait détachée.